L’Union européenne vient de réactualiser la liste des compagnies aériennes qu’elle bannit de son ciel : la fameuse liste noire. Beaucoup, en Afrique, dénoncent une politique du "deux poids, deux mesures".
La liste noire des compagnies aériennes mise à jour par l’Union européenne (UE) continue de perturber le ciel africain. L’Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA) s’est d’ailleurs arrangée pour qu’elle ait un retentissement maximum : elle l’a diffusée le 21 novembre, jour de l’ouverture de l’assemblée générale de l’Association des compagnies aériennes africaines (Afraa), qui rassemblait à
Marrakech les dirigeants du secteur. Comme en 2010, la liste égratigne le continent : les 277 compagnies interdites en Europe sont originaires de 24 pays, dont 17 africains. Kinshasa reste en tête, avec 35 transporteurs aériens indésirables, suivi par l’Angola, qui en compte 13, et le Bénin, 8. Derniers en date : Equatorial Congo Airlines, basée à Brazzaville, et Stellar Airways, en RDC. Seule consolation, l’extension de l’autorisation de vol de certains appareils de l’angolaise Taag, qui devaient jusqu’à présent se cantonner à Lisbonne, au Portugal.Avec 35 transporteurs aériens décrétés indésirables, la RDC devance l’Angola (13) et le Bénin (8).
Coup de vent
La riposte des compagnies africaines ne s’est pas fait attendre, à l’unisson de celle de leurs gouvernements, très remontés contre une liste « fondée sur des critères restrictifs et discriminatoires », selon Gilbert Noël Ouédraogo, le ministre burkinabè des Transports.
Dans ses résolutions adoptées à Marrakech, l’Afraa admet des manquements à la sécurité, notamment sur les petits appareils, et la nécessité d’y remédier, mais appelle l’UE à changer de méthode. « L’Union européenne n’a pas une approche transparente ! Trente-sept compagnies africaines sont conformes aux normes Iosa de l’Association internationale du transport aérien (Iata), certifiées par un audit, mais certaines d’entre elles se retrouvent quand même sur la liste noire », s’indigne Elijah Chingosho, le secrétaire général de l’Afraa, qui regrette que Philippe Gaillard, le représentant de la Commission européenne, venu en coup de vent à Marrakech, n’ait pas pris le temps de dialoguer.
La sécurité aérienne sur le continent en chiffres
Quelque 18 % des accidents aériens et 37% des accidents mortels ont lieu sur le continent, pour seulement 3% du trafic mondial, en 2010. On compte aussi 1,5 accident par million de départs contre 7 il y a cinq ans. La moyenne mondiale est de 1.
Pour les compagnies africaines, le sujet est crucial : si leurs liaisons avec l’Europe ne représentent que 20 % de leurs revenus, une inscription sur la liste, désastreuse pour leur réputation, a un impact majeur : la faillite de Mauritania Airways, filiale de Tunisair, en est la preuve la plus récente.
Considérations commerciales
« Pour établir sa liste, l’UE se fonde notamment sur les inspections réalisées dans les aéroports européens. Or les transporteurs africains, notamment les plus petits, sont plus fréquemment contrôlés que les compagnies internationales. Du coup, on détecte chez eux davantage d’anomalies que dans des compagnies d’Europe de l’Est, où il y en a autant mais qui, elles, sont peu inspectées », déplore Abderrahmane Berthé, patron d’Air Mali et nouvellement élu président de l’Afraa. « Derrière cette liste se cachent des considérations commerciales, renchérit le Libyen Ramah Ettir, PDG d’Afriqiyah Airways. Comment explique-t-on que des compagnies ne desservant pas l’Europe y apparaissent ? » Pour Marlene Mendes Manave, patronne de la mozambicaine LAM, inscrite sur la liste bien que certifiée conforme aux normes Iosa, il n’y a pas égalité de traitement. « Du fait de l’importance de leur trafic, l’Angola et le Nigeria sont parvenus à assouplir la position de l’UE en menaçant de prendre des mesures de rétorsion contre les compagnies européennes », souligne-t-elle.
Car tous les transporteurs africains ne se montrent pas aussi critiques, notamment les plus grands comme la Royal Air Maroc, Air Algérie ou Egyptair, les mieux reliés au Vieux Continent. « Plutôt que de se défausser sur l’UE, il faut coopérer pour progresser, affirme Hussein Massoud, président d’Egyptair et du comité exécutif de l’Afraa. L’an dernier, j’ai écrit à chaque patron des compagnies “blacklistées” pour proposer notre assistance. Je n’ai pas reçu de réponse. »
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Par Christophe Le Bec, envoyé spécial à Marrakech
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